lundi 15 août 2011

Dieterich Buxtehude - Prélude en ré mineur Bux WV 140



Les origines de Dietrich Buxtehude sont mal connues, même si différents témoignages permettent de privilégier la date de 1637 pour sa naissance. Il est également possible qu'il tienne son nom de la ville de Buxtehude, où il a pu naître, non loin de la capitale de l'orgue d'Europe du nord, Hambourg. Il est le fils de Johannes Buxtehude, organiste lui-même, sans doute né à Oldesloe, dans le Holstein, près du Danemark. Johannes Buxtehude fut vraisemblablement le titulaire de l'orgue de Saint-Marie d'Helsingborg (peut-être à partir de 1633) puis de Saint-Olaf d'Elseneur (à partir de 1641 ou 1642), avant de renoncer à son poste en 1672, et de s'installer à Lübeck, où il mourut en 1674. De la mère de Dietrich, on ne connaît que le prénom, Helle, et celui de son propre père, Jesper, ce qui pourrait indiquer une souche danoise.

L'éducation de Dietrich Buxtehude se déroule donc pour l'essentiel au Danemark, où il vit dès cinq ans. Outre de probables études classiques à la Lateinschule d'Elseneur, il étudie la musique, probablement sous la conduite de son père. Il assiste également au relevage de l'orgue de Saint-Olaf par Johann Lorentz, en 1649-1650, probable occasion d'un apprentissage de la facture d'orgue.
Orgue de Sainte-Marie d'Elseneur, où Dietrich Buxtehude est titulaire entre 1660 et 1668.

On ne sait rien de plus sur ses années de formation, sa scolarité à la Lateinschule s'étant probablement achevée à l'âge de dix-huit ans, en 1653. Tout juste peut-on émettre l'hypothèse qu'il se soit rendu à Copenhague, où la cour de Frédéric III est un des foyers musicaux les plus brillants d'Europe, et surtout où est établi Johann Lorentz le Jeune (1610-1693), l'un des organistes les plus réputés de son temps, titulaire de la Nikolaïkirche, et qui compte parmi les proches de Johannes Buxtehude5. Il est également possible que Dietrich se soit rendu à Lübeck, auprès de Franz Tunder, ou encore à Hambourg, auprès de Heinrich Scheidemann (lui-même élève de Sweelinck), ce qui aurait été l'occasion d'une première rencontre avec Reinken4.

Le début de carrière et l'installation à Lübeck.

Dietrich Buxtehude est nommé titulaire de Sainte-Marie de Helsingborg en 1657 ou 1658, dans une région ravagée par la guerre entre le Danemark et la Suède. En 1660, Buxtehude succède à l'organiste Claus Dengel, à Sainte-Marie d'Elseneur. Ses appointements passent de 75 à 200 thalers par an, nettement plus que les 125 thalers que gagne son père à Saint-Olaf. Dietrich Buxtehude réside avec ses parents, et voit sa réputation d'organiste grandir, il se lie d'amitié avec Marcus Meibom, fidèle de sa paroisse, et surtout humaniste renommé et historien de la musique.

En 1667, à la mort de l'organiste Franz Tunder, Buxtehude est retenu pour lui succéder comme titulaire de Sainte-Marie de Lübeck : il prend officiellement ses fonctions le 11 avril 16688. La vieille capitale hanséatique est une métropole commerçante d'importance, bien qu'une crise économique y sévisse alors. L'organiste est la principale figure musicale de la ville, et ses nouveaux revenus s'élèvent à 472 thalers, soit plus du double de son salaire à Elseneur8. Son installation est rapide : il acquiert la nationalité lubeckoise le 23 juillet 1668 et le 3 août, il épouse une fille de son prédécesseur, Anna Margaretha, née en 1646, qui lui donnera sept filles entre 1669 et 1686.

Buxtehude cumule les fonctions d'organiste et d'administrateur de Sainte-Marie, l'église la plus importante de la ville. Sa qualité d'organiste comprend par ailleurs le déroulement musical des cérémonies, au grand-orgue et, pour certaines cérémonies, à un deuxième orgue situé dans la chapelle « de la danse macabre », dans le transept nord ; mais aussi l'entretien des instruments (et la commande de travaux d'importance en cas de nécessité) ; la direction d'un ensemble musical (sept musiciens appointés par la ville, trois par l'église, un organiste pour le positif) ; et la responsabilité sur l'école voisine de Sainte-Catherine, où un cantor dirige un ensemble vocal11. Buxtehude reprend également les veillées musicales ou Abendmusiken initiées par son prédécesseur Franz Tunder, des concerts spirituels proches de l'oratorio, et leur donne une dimension nouvelle. Enfin, la bourgeoisie lubeckoise le sollicite pour composer des musiques destinées à des fêtes privées, à des mariages Cette activité intense semble toutefois avoir faibli avec les années, et le déclin économique de la ville.

Ce poste prestigieux est aussi l'occasion pour Buxtehude d'entretenir des relations avec les musiciens les plus réputés de son temps, comme Gustav Düben, titulaire de l'église allemande de Stockholm (et dédicataire des Membra Jesu nostri en 1680), et Johann Theile, élève de Schütz, qui séjourne à Lübeck entre 1671 et 1673, avant de s'établir à Hambourg comme Kappelmeister du duc Christian Albert jusqu'en 1685. La proximité de cette grande métropole est importante pour Buxtehude, qui s'y rend probablement assez souvent, et y fréquente, outre Theile, Reinken, titulaire de Sainte-Catherine avec lequel il entretient vraisemblablement une sincère amitié14, Matthias Weckmann, titulaire de Saint-Jacques, ou encore Christoph Bernhard, cantor de Saint-Jean et director musices de la ville, de 1664 à 1674.

La réputation de Buxtehude lui permet de nouer d'autres amitiés fructueuses, en particulier avec le grand théoricien Andreas Werckmeister, et de susciter l'admiration de ses contemporains, comme Johann Pachelbel qui lui dédie son Hexachordum Apollinis en 1699. Buxtehude attire par ailleurs des élèves venus de toute l'Allemagne : Daniel Erich en 1675, Lovies Busbetzky en 1679, puis le talentueux Nicolaus Bruhns en 1682, Georg Dietrich Leyding en 1684, et d'autres encore. Le jeune Bach est probablement son élève le plus connu : en 1705, il se rend à pied d'Arnstadt à Lübeck, où il demeure trois mois, séjour dont on ne connaît pas les détails.

La succession et la fin

La succession de Buxtehude, qui n'a pas de fils et dont le meilleur élève, Bruhns, est mort prématurément en 1697, préoccupe le conseil de Lübeck qui, dès 1703, invite Johann Mattheson à venir faire acte de candidature. Ce dernier se rend à Lübeck accompagné de son jeune ami Georg Friedrich Haendel, en août 1703. C'est Mattheson qui relate que Buxtehude aurait exigé une clause matrimoniale : son successeur aurait ainsi dû se marier avec l'une des filles de Buxtehude, sans que l'on sache laquelle. Cette clause fut refusée par Mattheson et Haendel, à qui le poste aurait également été proposé, sans que rien n'autorise les interprétations qui ont été faites depuis de cet épisode. L'hypothèse de Philipp Spitta selon laquelle Buxtehude aurait offert au jeune Bach sa succession à la même condition ne se base ainsi sur aucune source, et rien ne vient appuyer la vision d'Albert Schweitzer pour qui « Mademoiselle Buxtehude n'avait ni les agréments de la jeunesse ni ceux de la beauté ».

Toujours est-il que Buxtehude désigne pour son successeur Johann Christian Schieferdecker, qui vient s'établir dès la fin de l'année 1705. Dietrich Buxtehude meurt le 9 mai 1707, à soixante-dix ans, et est inhumé le 16 mai dans le caveau de l'église Sainte-Marie où reposent son père et ses quatre filles mortes prématurément. Schieferdecker est élu à sa succession par le conseil de Lübeck le 23 juin, et épouse bien la fille aînée de Buxtehude, Anna Margreta, de quatre ans plus âgée que lui, quelques semaines plus tard.

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